Un budget qui ne tient pas compte de l’urgence sociale
Monsieur le Maire, chers collègues,
Au risque de vous surprendre, je dirais que de prime abord votre budget présente plutôt bien. Il est vrai que les transferts de compétences ont donné le soin à l’intercommunalité d’assumer des postes de dépenses particulièrement dynamiques. Je pense notamment à la petite enfance et au périscolaire. Ceci rend forcément l’exercice plus facile pour la Ville : pas d’augmentation de la pression fiscale avec 0% d’augmentation des taux d’imposition, une progression relativement contenue des dépenses de fonctionnement (en effet on note une hausse de 2 %) et une augmentation de 6.6% de l’enveloppe d’équipement en investissement.
Mais cette présentation plutôt flatteuse appelle tout de même quelques bémols.
Le budget primitif est un acte de prévision et d’autorisation. Il témoigne d’un volontarisme politique, pour ne pas dire d’un affichage politique. Ce qui fera foi c’est le compte administratif qui permettra d’évaluer les taux de réalisation notamment de la section d’investissement : 56 % en 2011 ; 60% en 2012 et 52 % en 2013.
Je vous rejoins sur un autre point : le tableau serait encore plus idyllique si nous n’étions pas impactés par la «funeste» politique du gouvernement qui juge indispensable d’assainir nos comptes publics en réduisant nos dotations ou en nous obligeant à contribuer à des fonds de péréquation. Plus sérieusement, il est vrai qu’il s’agit d’une contrainte forte. Mais elle n’est pas nouvelle. Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) a été mis en place sous le gouvernement Fillion en 2011 et sa progression était connue. Le mouvement de baisse de la Dotation Globale de Fonctionnement a été engagé à la même période, dans des proportions moindre qu’aujourd’hui, certes, je vous l’accorde.
Mais face à l’explosion de notre dette publique (on constate une hausse de 600 milliards sous la présidence de Nicolas Sarkozy), fallait-il rester inerte et faire comme si de rien n’était ? Croyez-vous sincèrement que ces mesures soient prises de gaité de cœur par un gouvernement qui compte parmi ces soutiens de nombreux élus locaux ? Il faudra donc désormais compter avec cette nouvelle donne, quelles que puissent être nos appréciations la concernant et s’y adapter.
Mais revenons-en au budget primitif.
Si on regarde un peu plus dans le détail, le tableau finit bien évidemment pas se noircir. En effet, l’orientation budgétaire proposée se traduit par une dégradation tendancielle de nos épargnes déjà perceptible dès 2011. Certes rien d’alarmant compte tenu des montants en valeur absolue. Pour le moment, ai-je envie de dire,
Car on le sait la pente est glissante. Et cette tendance s’accentuera nécessairement car les dotations de l’Etat continueront de se réduire et que certains investissements (je pense notamment à la Nouvelle Bibliothèque Humaniste) conduiront à de nouvelles dépenses de fonctionnement aux montants plutôt conséquents.
En réduisant ainsi nos capacités d’autofinancement, c’est tout bonnement nos possibilités d’investir qui iront en se réduisant sauf à recourir encore plus massivement à l’emprunt qui constitue, on le sait, les impôts de demain.
Cette évolution, que l’on a déjà connue ailleurs, me paraît d’autant plus dangereuse que ce budget, en l’état, n’apporte guère de réponse à l’urgence sociale pourtant clairement établie par un diagnostic qui vous a été remis en mai 2013. La presse a jugé cet état des lieux « effarant » (l’Alsace dans l’édition du mercredi 15 janvier 2014, les DNA dans l’édition du mercredi 26 février2014), mettant ainsi en évidence des indicateurs au rouge.
Il va de soi que la Ville n’est pas la seule collectivité à avoir des responsabilités en la matière et des compétences pour intervenir. Reste qu’elle est la plus à même à donner l’impulsion nécessaire pour que soit initier des politiques d’accompagnement permettant d’infléchir une évolution de plus en plus préoccupante.
Certes, je relève avec intérêt (page 19) l’inscription d’un crédit de 40 000 € pour le lancement d’une étude relative à la mise en œuvre, au centre-ville, d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat-renouvellement urbain. Je m’étonne cependant que ce soit la ville qui porte cette dépense alors même que cette compétence relève de l’intercommunalité. Mais là, n’est pas l’essentiel. Evidemment un tel dispositif peut être intéressant, en premier lieu pour les propriétaires, mais également pour l’ensemble des habitants du périmètre concerné. Reste que l’intervention sur l’habitat, pour importante et visible qu’elle soit, ne saurait suffire.
D’autres politiques doivent être engagées pour répondre à l’urgence sociale.
Il y a quelque jours, a été rendu public un rapport remis au premier ministre signalant notamment le « phénomène inquiétant » de l’augmentation du taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans (+0,1 point à 19,6% !), qui vivent souvent dans des familles monoparentales, ces deux composantes de population étant « les premières victimes de la crise ». Sélestat n’y échappe pas. Un quart des familles à Sélestat sont monoparentale. Ce n’est pas les stigmatisées que de reconnaître que la monoparentalité accroît les risques de pauvreté et de difficultés éducatives. Les taux de décrochages et d’absentéismes scolaires, également parmi les plus forts à Sélestat, en témoignent. Quelles réponses apportez-vous au travers de ce budget ? Quels moyens est-on prêts à consacrer à l’accompagnement socio-culturel ? Croyez- vous sincèrement que les 6 000 € inscrits pour la bourse d’aide à la pratique sportive
et culturelle soient à la hauteur de cet enjeu ? Quid de la réforme des rythmes scolaires qui pourrait ouvrir d’autres horizons ?
Plus que jamais, il nous faut investir plus fortement dans l’humain. L’esprit de l’humanisme, dont on se congratule volontiers, ne doit pas s’enfermer dans un mausolée, fut-il de bonne facture. Il doit illuminer les vies de chacun et permettre de renforcer la cohésion sociale dans une ville où une partie de plus en plus grande de ses habitants est confrontée à des difficultés de toutes sortes et des accès toujours insuffisamment partagés à l’expression culturelle et artistique.
C’est à cette condition et au prix de cet effort que je ne sous-estime pas, que nous permettrons, aux plus fragiles notamment mais pas seulement, d’échapper au déterminisme social dans lequel les enferme l’absence de politique forte en leur direction.
Je vous remercie.
Conseil municipal du 29 janvier 2015
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